Rencontre avec Urs Gfeller, maraîcher permaculteur

Urs Gfeller, au rythme des saisons

Propos recueillis par François Tardin, pour « Recto-Verseau »

Dans le canton de Fribourg et jusqu’à Vevey, Gfeller Bio est une institution pour quiconque fait attention à ce qui garnit son assiette. Rencontre avec un homme qui incarne une autre vision de l’agriculture et du maraîchage.

Selon une étude publiée fin juin dans la revue «One Earth», l’agriculture bio et locale pourrait nourrir l’Europe d’ici 2050. Utopique? Pas pour Urs Gfeller, qui dirige l’entreprise maraîchère Gfeller Bio à Sédeilles, dans la Broye-Vully. Fils de Rosemarie et Gottfried Gfeller, ses deux fondateurs, il nous reçoit sur le domaine familial, qu’il a repris en 2003. «Au début, il n’y avait qu’une serre. Le reste, c’était du plein champ», se souvient-il. «Nous étions alors vus comme des extraterrestres, ajoute-t-il. Tout le monde s’attendait à ce que tout soit fini après deux ans. Et qu’avant cela ce soit le monstre b…, avec des mauvaises herbes de deux mètres de haut partout!»

Et pourtant, 25 ans après les débuts sur ces terres, les serres sont au nombre de dix. Au total, 3000 m2 de surface sont ainsi protégés des aléas météorologiques. A cela s’ajoutent 13 hectares de plein champ. Le tout produit plus de 100 tonnes de fruits et légumes bio par année. «Ça fait vite des kilos !», rigole Urs Gfeller. Et le solide gaillard ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. C’est ainsi qu’en lisière du domaine, une forêt comestible plantée en 2016 doit trouver son rythme de croisière d’ici cinq ans. Elle abrite 190 espèces de petits fruits et baies, des fleurs comestibles et des herbes aromatiques. «L’idée est de recréer un écosystème autonome, et que d’ici quelques années, il n’y ait plus qu’à récolter.»

Recto-Verseau : Le bio, cela a toujours été une évidence pour vous ?

Urs Gfeller : Oui, j’ai toujours produit ainsi. C’était non seulement une évidence, mais aussi un challenge. Le bio, j’ai grandi dedans grâce à ma mère. En 1986, elle a été l’une des premières à se faire certifier bio pour vendre sur les marchés les surplus du potager familial. Bio Suisse n’existait pas encore, c’était le temps des premières certifications. Travailler sans pesticides était d’autant plus une évidence que j’ai pu moi-même observer leur côté pernicieux durant mon apprentissage. Des herbicides qui font tout crever, des fongicides qu’on répand sur des légumes qu’on récolte dix jours après…. J’ai compris que je n’avais vraiment pas envie de ça.

Vous avez donc eu une formation conventionnelle ?

En effet, j’ai fait mon apprentissage de maraîcher dans une entreprise traditionnelle. Je l’ai commencé à la fin des années huitante. A l’époque, personne ne croyait au bio. Ceux qui pratiquaient ce type d’agriculture étaient vus comme des farfelus. Dans le cadre de l’apprentissage, nous avions certes une heure de cours sur le bio, mais cela restait très marginal. A côté de cela, c’était le représentant d’une entreprise vendant des produits phytosanitaires qui donnait le cours concernant ces derniers…

Cela a-t-il changé depuis ?

Ce n’est plus tout à fait comme cela, mais dans les écoles d’agriculture, le bio est encore regardé avec méfiance. Il y a bien quelques écoles qui fournissent des efforts pour intégrer la vision bio en Suisse allemande, mais cela reste rare. L’école d’agriculture d’Anet par exemple, où les maraîchers, notamment, sont formés. Il faut dire que là-bas, la moitié des apprentis maraîchers font leur formation dans des entreprises biologiques. L’école a été obligée de suivre.

A quel moment l’agriculture a-t-elle pris la mauvaise direction?

Après la Seconde Guerre mondiale, les produits chimiques utilisés durant le conflit ont été recyclés pour augmenter l’efficacité de l’agriculture. Cela a été une révolution. On avait crevé de faim pendant six ans et là, on avait tout à coup des intrants qui faisaient décupler les rendements, des pesticides qui aidaient à lutter contre les parasites. Je peux comprendre que cela ait pu être attractif. Mais dès les années cinquante et soixante, lorsque l’utilisation de ces produits est devenue intensive, certains ont commencé à alerter quant à leur nocivité. On ne les a pas écoutés. Il a fallu attendre les années 2000 pour que les consommateurs prennent vraiment conscience du problème et que le bio commence à prendre de l’ampleur.

Votre philosophie à vous, quelle est-elle ?

L’idée de départ était d’avoir toute la chaîne de production chez nous. On achète les graines et on vend le produit final au consommateur. La majorité des maraîchers, eux, achètent leurs plantons puis laissent la vente à la grande distribution. Nous, nous vendons 100% en direct et ne produisons que du végétal. Nous produisons plusieurs centaines de milliers de plantons d’espèces très variées chaque année. On essaie, pour chaque légume, d’avoir une grande diversité et de réhabiliter des variétés qui ne sont plus cultivées. Les aubergines, il y en a cinq ou six sortes, les tomates, une trentaine. Nous avons ainsi entre 250 à 270 variétés de légumes sur l’année.

Pour écouler notre production, nous misons sur plusieurs systèmes de vente. Nous faisons notamment partie de trois associations : Notre panier bio, Lumière des champs et CroQu’terre. Ainsi, nous restons dans des circuits courts afin de diminuer le nombre d’intermédiaires. Résultat, notre bio est moins cher que celui de la grande distribution, mais nous faisons plus de marge parce que nous vendons en direct. Tout le monde est gagnant!

Vous pensez que l’avenir de l’agriculture tient dans ce type de démarches?

Absolument. Le chemin à adopter, c’est celui de l’indépendance des producteurs. Cela permettra d’enlever la pression qu’exerce la grande distribution sur les prix et de sortir de cet impératif du rendement maximal qui oblige un recours massif aux engrais chimiques et aux pesticides. La plupart des agriculteurs sont aujourd’hui prisonniers de ces logiques de centralisation de rationalisation. Moi j’ai 5000 ou 6000 clients répartis sur différents systèmes de vente: les clients du marché, ceux du magasin, les restaurateurs, les abonnés de Notre panier bio, etc. S’il y en a un ou deux, voire même cent, qui ne reviennent pas, cela ne met pas en péril l’équilibre de l’entreprise. Tandis qu’un producteur qui vend à la grande distribution et n’a qu’un ou deux clients, si l’un le laisse tomber, il est dans la m… ! C’est clair que c’est plus de travail de vendre par pièce ou par kilo que de vendre un semi-remorque. Mais encore une fois, nous sommes gagnants. Et puis, le marché est porteur. La demande en légumes bio est telle que chaque année, nous pourrions produire 20% de plus ! Mais nous ne souhaitons pas nous agrandir éternellement. Ce serait donc bien que de jeunes agriculteurs se lancent.

La vente directe, n’est-ce pas plus risqué lorsqu’une saison n’est pas bonne, comme ce fut le cas avec cet été pluvieux, ou les précédents avec les canicules ?

Contrairement aux producteurs qui travaillent pour la grande distribution, nous ne nous concentrons pas sur deux ou trois cultures. Nous en avons 200! Et parmi elles, aussi des espèces qui aiment le mauvais temps: les choux, les poireaux, la flotte, ils adorent ! Cette année sera certes moins bonne que la précédente. Mais moins bon, cela ne veut pas encore dire que cela met en danger l’entreprise. Les clients, si l’on est pédagogue, sont d’accord de prendre d’autres produits que ceux qu’ils ont l’habitude d’acheter ou, moyennant un rabais, d’accepter des produits dont l’aspect n’est pas parfait. Je pense de toute façon qu’il faut se préparer à ce que ces extrêmes climatiques deviennent la norme. En l’occurrence, les canicules sont moins graves, car on a la chance d’avoir de l’eau pour arroser. S’il y a trop d’eau en revanche, on ne peut rien faire, la plupart des plantes asphyxient.

Vous vous êtes lancé très tôt sur internet. Comment cela s’est-il développé ?

Là encore, c’était pour diversifier nos plateformes de vente et rester indépendant. Quand en 2003, nous avons abandonné le marché de Bulle, qui ne décollait pas, pour celui de Fribourg, qui se développait, nos clients bullois ont été très déçus. J’ai alors proposé de leur envoyer un fax avec la liste de nos produits pour qu’ils puissent les commander. Le système s’est perfectionné et en 2007, c’est devenu le premier site internet. C’était un site monstre cher, pour vingt commandes par semaine (il rit). Il n’a cessé d’évoluer depuis quatorze ans. C’était un pari osé mais qui s’est avéré payant au fil du temps. Du reste, c’est lui qui nous a sauvés pendant le Covid.

Justement, en parlant du Covid, avez-vous bénéficié vous aussi du boom qu’a connu la vente directe au début de cette période ?

Pendant la première vague, de mars à mai, cela a été impressionnant. Une période de folie ! Quand les marchés ont fermé, les commandes sur le site ont explosé quasiment d’un jour à l’autre. Nous avons enregistré jusqu’à 1000 commandes par semaine, plus du quintuple de l’habitude. En une semaine, on a complètement dû revoir notre organisation. Au lieu d’être quatre ou cinq à préparer les commandes, on a dû être dix, se relayant de 3h du matin à 23h. J’ai pour cela rapatrié tous les vendeurs du marché et loué la grande salle communale de Sédeilles pour entreposer les stocks. Le magasin à la ferme a aussi été pris d’assaut. Les gens venaient de loin, il y avait des queues jusque derrière la ferme. Depuis, cela s’est calmé mais actuellement, nous restons à 200 commandes hebdomadaires sur le site, soit un tiers de plus par rapport à l’avant-Covid. Le magasin aussi marche mieux. Les marchés, eux, sont un peu plus bas. Mais dans l’absolu, on vend plus qu’avant la pandémie. On s’en est clairement bien sorti.

Que répondez-vous à ceux qui affirment que le bio est plus cher ?

Que ce n’est pas vrai (il rit) ! Enfin, disons que cela dépend de ce que l’on compare. Le bio de la grande distribution est plus cher, c’est vrai. Celui de la vente directe chez le producteur est peut-être un peu plus cher que le conventionnel, mais par rapport à la qualité obtenue, je ne considère pas qu’il le soit vraiment. Les produits bio rassasient plus, flétrissent moins vite, etc. Je compare toujours avec le pain blanc et le pain complet. Mangez un pain blanc entier et vous aurez encore faim. Mangez deux tranches de pain complet et vous serez rassasié. Il faut aborder le problème dans sa globalité, prendre en compte tous les coûts. On gaspille énormément de nourriture, en achetant trop, en achetant des choses qui se conservent mal, ou des produits qui sont tellement raffinés qu’ils n’ont plus aucune valeur nutritive. A la fin, c’est plus cher. Il faut sensibiliser les gens : le bon marché n’est pas forcément meilleur marché. En définitive, c’est toujours le consommateur qui dirige. S’il est prêt à modifier ses habitudes, les choses peuvent rapidement changer. Mais tout cela nécessite de sa part une prise de conscience, un investissement : se passer de cette convenience food pratique mais hyper cher, réapprendre à cuisiner des produits de base et prendre le temps de le faire, etc.

Dès lors, quel système faut-il envisager pour l’avenir?

Il faut inverser la tendance à la mondialisation et à la globalisation, sans pour autant retourner à la préhistoire. Il faut juste revenir à des structures locales, humainement gérables. Il y aura beaucoup moins de pertes s’il y a un maraîcher, un boucher, un boulanger par village, qui a une vision d’ensemble de sa clientèle et de ses besoins. Ainsi, il y aura beaucoup moins de pertes, plus de boulot, les aliments voyageront moins. L’efficience de telles structures compenserait facilement le rendement qu’on dit plus faible de 20% du bio. Il faudra aussi diminuer la consommation de viande d’un bon bout : pas deux fois par jour, mais peut-être deux fois par semaine. Et quand c’est le cas, manger de la bonne viande, obtenue correctement.

Et l’avenir de votre entreprise?

Nous souhaitons agrandir la surface sous serre. A terme, nous ne souhaitons avoir plus qu’une grande serre au lieu des neuf que nous avons aujourd’hui. Plus la surface couverte est grande, plus le climat est régulier et sa gestion facile. Cela permettra, par exemple, de se passer de chauffage durant les nuits de printemps pour éviter que les plantes, les tomates notamment, ne gèlent. C’est déjà le cas dans notre serre la plus récente, qui est un laboratoire de cette future grande installation. Et lorsque le chauffage est malgré tout nécessaire, nous souhaitons passer aux copeaux de bois, au lieu du chauffage au gaz que nous utilisons actuellement.

Dans l’absolu, nous ne voulons pas forcément grandir, mais optimiser notre fonctionnement. Ceci aussi afin d’augmenter le confort de travail et d’améliorer la qualité de vie sur le domaine. Plus la machine sera rôdée, plus on pourra réduire le temps de travail, afin que les employés aient aussi du temps pour eux. Actuellement, dans l’agriculture, on travaille au moins 50 heures par semaine. Nous avons réussi à descendre à 48h30. C’est un pas mais je ne vois pas pourquoi, dans une profession aussi physique, nous devrions travailler plus que dans les autres. Arriver à 45h serait bien.

Le bien-être de vos employés, cela compte donc beaucoup pour vous…

Bien sûr, et cela passe aussi par une bonne rémunération. Chez nous, les salaires sont 20% en-dessus de la moyenne de l’agriculture. Là aussi, on essaie d’aller vers quelque chose de plus respectueux par rapport à la norme. Nous n’employons plus que des gens qui sont établis dans la région, pour garder cette valeur ici. Cela ne fait aucun sens de prendre des gens bon marché qui ne s’intéressent pas à la cause. Ici, tous les employés sont motivés par ce qu’on fait. L’équipe, qui compte vingt-cinq équivalents plein temps, est de plus en plus stable. Nous avons d’ailleurs cette année quatre personnes qui fêtent leurs dix ans chez nous. Et nos quatre responsables de secteurs sont aussi motivés que si l’entreprise était la leur.

Cela rend les choses plus faciles pour vous aussi ?

Oui, le fait de pouvoir faire confiance à des gens qui se sentent concernés m’a permis de gagner en stabilité sur le plan personnel. Jusqu’en 2012, je faisais comme la plupart des maraîchers : au printemps, je faisais appel à saisonniers venant de l’Est pour travailler juste pour l’argent. Chaque soir à 18h, ils s’en allaient et tout ce qui restait à faire était pour moi. C’était hyper dur ! Ce type d’organisation peut fonctionner pour de grandes productions peu diversifiées. Mais chez nous, il y a tant de choses différentes à faire que cela demande une autre motivation. Il faut que les gens aient une vision plus globale, une plus grande capacité d’initiative.

Bio ou local, il faut choisir

François Tardin (l’article intégral peut être lu dans la revue Recto-Verseau No 326, www.recto-verseau.ch)

Boosté par la crise du coronavirus, le « locavorisme » a le vent en poupe. Et pourtant, il est des empêcheurs de raisonner en rond qui affirment qu’il vaut mieux manger un produit bio venant de loin qu’un équivalent issu de l’agriculture conventionnelle locale. On regarde ce qu’il en est.

Des tomates bio espagnoles en plein hiver,

est-ce bien raisonnable?

C’est vrai qu’elles jurent dans les étals hivernaux, ces tomates bio en provenance d’Espagne, qui trônent au milieu des pommes, poires et autres crucifères bien de chez nous. Comme un pied de nez à nos valeureux paysans! Et que dire de ces dattes et de ces oranges, elles aussi biologiques, venant d’Israël? D’ailleurs, les consommateurs sont nombreux à considérer l’importation de ces produits comme une aberration, atavisme d’un temps où les préoccupations écologiques passaient au second plan. A tel point que les pouvoirs politiques se sont emparés de la question. En 2017, à l’issue de plusieurs années de débats parlementaires, la législation «Swissness» a ainsi posé un cadre plus contraignant à l’utilisation de l’indication de provenance «Suisse» et à celle de la croix blanche sur fond rouge.

Un «Swiss made» plus restrictif

Cette réglementation a bien sûr eu de grosses répercutions sur le secteur alimentaire dans lequel, pour qu’un produit soit considéré comme suisse, au moins 80% du poids des matières premières le composant doivent désormais provenir de nos vertes contrées. Pour le lait et les produits qui en sont dérivés, c’est même 100% du lait qui doit être suisse! «En outre, l’étape de transformation qui confère au produit ses caractéristiques essentielles (par exemple la transformation du lait en fromage) doit se faire en Suisse», précise le Département fédéral de l’économie sur le site de la Confédération. Les grandes enseignes, qui ont dû se mettre à la page afin de ne pas être épinglées pour une utilisation abusive du concept de «Swiss Made», ont dès lors communiqué pour faire valoir leurs efforts en la matière. De telle sorte que la consommation locale est devenue un critère d’achat de plus en plus important chez les acheteurs helvétiques. La tendance a été particulièrement visible sur la période allant de mars à mai 2020, lorsque les Suisses se sont rués sur les producteurs locaux pour braver le premier confinement.

Local, vraiment idéal?

Une vente directe parmi les gagnantes de la crise du coronavirus, des consommateurs soucieux d’acheter plus local, tout n’irait-il pas pour le mieux dans le meilleur des mondes? Non, estime, Lucien Willemin, auteur de «Tu parles Charles: manger local, c’est loin d’être idéal». Son crédo: la pollution toxique générée par l’agriculture conventionnelle suisse est plus grave que les rejets de CO2 provoqués par l’importation de produits bio étrangers. «Obnubilés par le réchauffement climatique, collectivement nous appauvrissons notre raisonnement en focalisant sur le transport et ses rejets de CO2, écrit-il.» Comparant l’achat d’une carotte traditionnelle locale à celui d’une carotte bio importée, il poursuit: «Le choix collectif se porte sur la carotte tradi locale. Ceci est dû au fait que nous voyons le transport de la carotte et que nous oublions celui de la chimie, tout comme sa fabrication et son utilisation.» Pour Lucien Willemin, le principal problème réside donc dans le recours massif de l’agriculture conventionnelle aux pesticides et autres engrais de synthèse. 30 à 35 traitements différents sont, par exemple, autorisés en Suisse pour la culture des fruits à pépins.

Le discutable bio étranger

Les détracteurs de Lucien Willemin, parmi lesquels l’ancien président de l’Union suisse des paysans (USP), Jacques Bourgeois, rétorquent que le choix inconditionnel du bio, quel que soit sa provenance, est pour le moins discutable. Le Fribourgeois met en avant le cahier des charges souvent moins restrictif des producteurs bio étrangers par rapport à leurs homologues helvétiques. Au sein de l’Union européenne, les exploitations produisant du bio peuvent par exemple le faire de manière sectorielle, à savoir qu’une partie des terres peut être cultivée de manière conventionnelle. En Suisse, pour rappel, pour obtenir le label au bourgeon, l’intégralité de l’exploitation doit être convertie au bio dans une durée de deux ans. Jacques Bourgeois rappelle en outre que tous les agriculteurs helvétiques, qu’ils soient bio ou non, sont tenus de consacrer 7% de leurs surfaces cultivables à la promotion de la biodiversité. Enfin, le Conseiller national libéral n’oublie pas de relever que consommer local permet de «soutenir nos emplois et notre économie.»

Quelle agriculture voulons-nous encourager?

La solution idéale reste bien évidemment un bio local, ou à tout le moins un locavorisme porté par une agriculture conventionnelle faisant un pas vers des méthodes plus respectueuses de l’environnement. L’on ne peut en effet pas éternellement demander aux consommateurs de devoir choisir entre la pollution toxique des sols résultant de l’emploi de méthodes de culture archaïques, et la pollution de l’air provoquée par l’importation de produits bio étrangers. «Place à l’agroécologie, la biodynamie, la permaculture, l’agroforesterie… autant de formes adaptées à différents climats et différentes latitudes, remarque encore M. Willemin. Une biodiversité agricole ‘aimante’ qui est notre seul avenir.» Autrement dit, l’enjeu majeur en matière agroalimentaire consiste à sortir de «ce processus absurde où, pour se nourrir, il faut détruire», processus que dénonce Pierre Rabhi. Un pas significatif dans ce sens peut être franchi dès 2021 en nous mobilisant massivement en faveur de deux initiatives voulant lutter contre les pesticides.